RÉTROSPECTIVE D’EMO HANNOVER 2019: OÙ EN EST L'USINAGE DU MÉTAL?
Le processus de production global devient de plus en plus important
Avec 117.000 visiteurs, l'EMO 2019 n'aura pas marqué l'histoire de l'industrie métallurgique. Le fait que les constructeurs automobiles aient coupé leurs investissements, n'a pas vraiment profité à l’événement. Néanmoins, ce dernier nous réservait pas mal de nouveautés. Et pour une fois, ce n'était pas la machine, mais bien l'ensemble du processus de production qui était au centre de l'attention, avec l'intégration pour thème de cette édition de l'EMO Hannover 2019.

COMPLETER L'AUTOMATISATION
Dans les dernières éditions de l'EMO, l'automatisation de la production a été l'un des sujets les plus abordés à l'occasion du plus grand salon des machines d'usinage des métaux. Le programme restait dans cette continuité à Hanovre, pour l'instant la dernière édition allemande, puisque l'EMO revient à Milan en octobre 2021.
Cependant, il y avait une nette différence dans l'approche du sujet de l'automatisation cette année. La première différence est que de plus en plus de constructeurs de machines choisissent d'offrir leur propre système d'automatisation. Cette tendance semble s'accélérer. Il ne s'agit pas seulement des simples cellules robotisées d'un centre d'usinage 5 axes, mais aussi des systèmes de palettes de plus en plus complexes développés par des constructeurs de machines CNC.
La raison de tout cela, c'est la numérisation de l'ensemble du processus. Si le fabricant fournit la machine et l'automatisation sous la forme d'un ensemble complet, les composants peuvent être intégrés dans un système bien plus complet. Maintenant que la plupart des commandes CNC sont exécutées via plusieurs canaux, la programmation du robot peut faire partie intégrante de la commande de la machine.
Les constructeurs de machines interrogés sur la raison pour laquelle ils proposent leurs propres solutions d'automatisation, disent tous que cela leur permettra à l'avenir d'optimiser l'ensemble du processus, du début à la fin.
Car ce processus peut certainement être optimisé. Il y a plus qu'assez de moments dans les différentes étapes du processus où le temps est perdu. L'optimisation de ces étapes va bien au-delà de l'accélération du processus d'usinage ou du changement d'outil.
OPTIMISATION DE LA LOGISTIQUE
Un autre changement dans l'automatisation est que de nombreux fabricants utilisent des systèmes de transport à guidage automatique (AGV), en combinaison avec des cobots. Cela rend le robot compact mobile. Avec cette solution, les constructeurs de machines veulent optimiser la logistique autour de la fraiseuse ou du tour. D'une part, ils le font dans le but de réduire significativement les délais de livraison, d'autre part, c'est aussi une réponse au vieillissement de la population qui entraînera un exode d'opérateurs expérimentés dans presque tous les pays occidentaux au cours des prochaines années. Le cobot mobile peut être utilisé pour apporter des assortiments d'outils ou des matériaux à la machine et, par exemple, pour mesurer les produits usinés sur la machine. Sans opérateur, donc même pendant la nuit. Certains fabricants constatent que les cobots mobiles ne peuvent pas encore être facilement programmés. Avec l'essor rapide de l'intelligence artificielle, ce n'est sans doute plus qu'une question de temps avant que ce problème ne soit résolu.

CONNECTIVITY
L'umati comme standard?
L'Industrie 4.0 est un fait concret, écrivions-nous il y a deux ans dans cette revue professionnelle dans le cadre de notre rétrospective de l'EMO 2017. La production et les opérations commerciales sont liées l'une à l'autre, comme on le constatait. La connectivité était un thème important à ce moment, car la gestion complète de l'usinage à toute heure du jour ou de la nuit assure la transparence des processus. L'industrie allemande de la construction mécanique, en particulier, a progressé à pas de géants ces deux dernières années en termes de connectivité des machines CNC.
umati 1.0 en 2020
Dans un groupe toujours croissant de partis (internationaux), sous la direction de la VDW, l'association allemande des constructeurs de machines-outils, le secteur a travaillé au développement d'une interface universelle, umati (Universal Machine Tool Interface). Cette année il y avait 110 machines CNC, d'environ 70 constructeurs de machines, d'Europe et d'Asie, équipées d'une version provisoire du protocole, basée sur OPC UA. Les visiteurs ont pu voir ce dont les broches des différentes machines étaient capables non seulement sur le stand umati dans le hall 9, mais aussi directement sur leur téléphone portable. L'été prochain, comme prévu par la VDW, la version umati 1.0 sera commercialisée. Les constructeurs de machines intégreront ensuite ce protocole avec un serveur OPC-UA dans la machine. La connexion de la machine CNC au logiciel MES, par exemple, sera alors beaucoup plus rapide et simple, car il existera une norme pour les termes communs. Cependant, cela ne fait pas encore de l'umati un standard international, car il existe plusieurs protocoles, tels que MTConnect. L'un des plus grands constructeurs de machines du marché a déjà annoncé qu'il laissera le choix au client. Pour l'instant, chacun scrute le processus, il s'agit en fait d'une mesure plus ou moins poussée de l'OEE (Overall Equipment Efficiency) avec des tableaux de bord indiquant l'état de plusieurs machines. La question qui se pose après l'EMO, est de savoir si, avant tout, les constructeurs de machines allemands parviendront à convaincre la communauté internationale de soutenir l'umati.
Au cœur du process
Lors de sa présentation, la VDW a insisté sur le fait qu'elle a bien conscience qu'on n'avancera pas en faisant du chacun pour soi. En outre, on peut se demander si les clients sont satisfaits de la surveillance de leurs machines. N'en veulent-ils pas plus? Ne veulent-ils pas pouvoir intervenir dans le processus si nécessaire? Lors de la présentation de l'umati, la VDW a souligné qu'il s'agit d'une version provisoire, qui peut être et sera différente à l'été 2020. La version 2.0 sera certainement plus complète. Le consortium umati envisage aussi d'introduire un label de qualité minimum que les applications développées pour les umati devront respecter. De plus, un test devrait être disponible pour permettre à l'utilisateur de comprendre le fonctionnement du logiciel.

à l'ensemble du processus et du rôle que les AGV joueront à cet égard
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
L'EMO 2019 se voulait essentiellement axé autour de l'automatisation et de la numérisation. Et la machine CNC dans tout ça? L'EMO n'est-elle pas la plus grande plate-forme pour les constructeurs de machines? Oui et non. Les machines sont certes importantes, mais il est clair que les développements des années à venir seront surtout faits de 'bits et d'octets'. C'est compréhensible pour ceux qui voient les développements du côté matériel. Bien sûr, l'amélioration de la précision de 2 à 1,5 micron est un grand pas en avant. Mais c'est tellement exigeant sur le plan mécanique que, selon certaines personnes, il est plus avantageux d'optimiser plutôt les performances du logiciel d'usinage utilisé.
L'un des fabricants a présenté un développement de son département R&D, dans lequel les tables de compensation sont spécifiquement adaptées à la machine à l'aide de capteurs et d'intelligence artificielle. Pas du générique, donc, mais du sur mesure pour la machine individuelle. Ce n'est pas pour rien que l'organisation du salon a placé l'intelligence artificielle en tête de ses priorités cette année. Pour être honnête, le terme, tout comme Industrie 4.0 dans les premières années, est surtout un concept exploité par les services marketing.
Mais l'impulsion est bel et bien là. Des systèmes d'exploitation dans lesquels l'intelligence artificielle est appliquée, aux plates-formes dans lesquelles les algorithmes rapprochent l'offre et la demande sur le marché. Des systèmes FAO avec des stratégies de fraisage très complexes aux algorithmes basés sur le cloud qui rendent la programmation manuelle superflue et, grâce à cette forme d'automatisation, réduisent les délais tout au long du processus de quelques semaines à quelques jours. On remarque également qu'en utilisant les technologies de l'information et l'intelligence artificielle, les constructeurs de machines veulent simplifier l'utilisation de ces dernières. Même les opérations de rectification complexes pourront bientôt être programmées par des opérateurs inexpérimentés. L'industrie répond ainsi à la pénurie d'opérateurs CNC qualifiés, qui se fait de plus en plus ressentir dans les pays industrialisés.
L'E-MOBILITÉ AFFAIBLIT LE SECTEUR
Une autre comparaison avec l'EMO 2017.
A l'époque, dans le compte-rendu du salon dans Métallerie, nous écrivions sur un troisième thème souvent abordé il y a deux ans: l'impact de l'e-mobilité sur l'industrie des machines-outils.
Le secteur sait maintenant à quoi s'attendre après les avancées de ces derniers mois. Depuis l'été 2017, c'est-à-dire avant l'avant-dernière édition de l'EMO, le flux de commandes s'est lentement tari, principalement sous l'effet du recul des investissements de l'industrie automobile. Cela découle de la transition que traverse le secteur, renforcée cette année par le fait que le marché automobile le plus important du monde, la Chine, s'est effondré notamment à cause de la guerre commerciale engagée contre les Etats-Unis, alors qu'en Europe, l'incertitude règne toujours autour du Brexit.
Les chiffres européens publiés par Cecimo en bourse montrent une baisse de 24% des commandes cet été par rapport à 2018. Le marché allemand est particulièrement affaibli, les résultats opérationnels des constructeurs de machines étant soutenus par le fait que 2018 a été pour beaucoup une année record. Selon les organisateurs, l'incertitude a certainement contribué à la baisse du nombre de visiteurs par rapport à il y a deux ans.
L'EMO 2021 se tiendra à Milan du 4 au 9 octobre 2021.

LE SUMMUM DE LA MULTIFONCTIONNALITE
Le concept du multitâche se répand non seulement très vite dans le secteur, mais il se développe également en termes de technologies associées. De grands centres d'usinage qui permettent non seulement le fraisage et le tournage, mais aussi l'affûtage de pièces spécifiques. Tout est lié à l'efficacité et à la qualité: moins de serrage, et donc moins de spécialistes à faire intervenir, et une plus grande précision en raison des marges d'erreurs réduites, car la pièce reste dans la pince. Le soudage par friction est un autre exemple d'une telle intégration technologique, stimulée par la demande de délais plus courts. Le laser est également une technologie qui jouera un rôle plus important dans la machine-outil classique, en particulier pour la combinaison de l'impression 3D sur métal et du fraisage CNC.
Une précision inégalée
Parmi les autres développements, on constate que la précision s'améliore également, lorsqu'il s'agit de pièces de grandes dimensions. Les tolérances de forme supérieures à 5 microns sur une fraiseuse CNC exigeaient beaucoup de la machine et du processus CNC il y a quelques années. La même machine peut maintenant être utilisée pour l'ébauche productive et, en même temps, pour atteindre les plus hauts degrés de précision de finition. Dans la continuité, la mesure est également effectuée sur le lieu de travail, à côté ou même à l'intérieur de la machine.
A Hanovre, plusieurs solutions étaient présentées dans ce sens. Cette étape est possible, car la numérisation permet de convertir immédiatement les données de mesure en une adaptation du programme CN. Une application de niche est un scanner 3D, intégré dans le magasin d'outils d'un centre d'usinage 5 axes. L'objectif est de vérifier les surfaces de forme libre directement dans la machine en projetant le nuage de points de la pièce réelle sur le modèle CAO. Encore une fois, il s'agit d'optimiser les délais d'exécution, car c'est la meilleure façon de faire du profit dans le cadre d'une production hautement diversifiée et à faible volume.