Les passeports de matériaux sont essentiels dans le contexte de la construction circulaire
Caroline Henrotay de Bruxelles Environnement a collaboré au projet de recherche 'Buildings as Material Banks' (BAMB), qui a notamment contribué au développement de concepts et de lignes directrices pour les passeports de matériaux. Le projet BAMB a eu un impact sur plusieurs autres initiatives de passeport de matériaux.
Comment préserver la valeur des produits ?
Une économie circulaire vise non seulement à utiliser les produits le plus longtemps possible, mais aussi à en conserver la plus grande valeur possible. Aujourd'hui, c'est loin d'être le cas, puisque seulement 1 % de tous les matériaux de construction sont réutilisés. Et lorsqu'il s'agit de recyclage, cela implique souvent une perte de valeur importante.
Dans le cadre d'une transition vers une économie circulaire, il existe plusieurs options pour préserver la valeur des produits, notamment :

- Reuse (le produit est intégralement réutilisé) ;
- Repair (le produit est réparé) ;
- Refurbish (la structure principale du produit est conservée et certaines petites pièces sont remplacées) ;
- Remanufacture (le produit est entièrement démonté et est configuré en un nouveau produit) ;
- Repurpose (le produit est doté d'une fonction totalement nouvelle) ;
- Recycle (les matériaux ou produits sont recyclés) ;
- Recovery (en rapport avec l'énergie).
Il existe différents cycles possibles des matériaux et de nombreux acteurs qui jouent un rôle important dans ces cycles. Les données ou informations qui sont liées à ces matériaux et qui décrivent les options de maintien de la valeur sont évidemment cruciales pour savoir ce que vous pouvez faire avec un produit ou un matériau particulier.

Buildings as Material Banks (BAMB)
Le projet 'Building as Material Banks' (BAMB ) est un projet d'innovation européen dans lequel 15 partenaires ont cherché à augmenter la conservation de la valeur des bâtiments et des matériaux. D'une part, il s'agissait de développer des outils pour concevoir des bâtiments avec effet réversible, en examinant l'adaptabilité et la réutilisation potentielle des produits et systèmes utilisés. D'autre part, le BAMB a étudié les possibilités de passeports matériels.
Passeports de matériaux
Les passeports matériels sont des ensembles d'informations numériques qui décrivent les caractéristiques spécifiques des produits et des matériaux. Cela comprend, par exemple, des informations sur les aspects sanitaires, les possibilités de recyclage ou de refabrication, la logistique inverse, etc. De cette façon, les produits et les matériaux peuvent être facilement réutilisés.
Dans le projet BAMB, les informations sur les produits et les matériaux sont structurées selon le concept des poupées russes. Le niveau le plus bas comprend les ingrédients ou la composition chimique des matériaux. Ceux-ci sont ensuite incorporés dans des composants qui constituent les différentes parties d'un produit. Vient ensuite le niveau du produit et, au-dessus, le niveau du système (qui se compose de différents produits).
Les passeports matériels sont dynamiques, ce qui signifie qu'ils peuvent être mis à jour et que des informations peuvent être ajoutées, rendant ainsi la traçabilité de l'ensemble du cycle de vie d'un produit ou d'un matériau. Outre les informations sur la manière dont un matériau a été utilisé dans un bâtiment, des informations sur l'entretien et les réparations éventuelles peuvent également être fournies.
le BAMB inspire
Grâce au projet BAMB, un cadre a été développé pour les passeports matériels et ce cadre a inspiré de nombreuses initiatives.
Fiche de données sur la circularité des produits (FDCP)
Une première initiative est la Product Circularity Data Sheet (PCDS), une fiche élaborée par le ministère de l'Economie du Luxembourg. Le ministère est parti du principe que la collecte de données sur la circularité est coûteuse et difficile car elle n'est pas normalisée. Afin de partager ces données de manière standardisée, ils ont développé un modèle de données. L'intention du PCDS est que ce modèle de données devienne une norme industrielle, avec laquelle tous les types de produits peuvent être décrits.
Le modèle de données développé se compose de cinq parties différentes :
- Informations générales ;
- Informations sur la structure ;
- Informations sur la façon dont le produit est conçu pour une meilleure utilisation ;
- Informations sur la manière dont le produit peut être désassemblé ;
- Informations sur la manière dont le produit est conçu pour être recyclé.

Platform CB’23
Les Pays-Bas ont lancé une autre initiative, la Platform CB’23, qui a notamment élaboré un cadre pour les passeports de matériaux. Ce cadre comprend plusieurs niveaux (tels que 'matière première', 'matériau', etc.), ce qui permet de développer plusieurs types de passeports. Initialement, l'initiative s'est concentrée sur trois niveaux, à savoir : 'produit de construction', 'élément' et 'structure'. Par exemple, un passeport au niveau du 'bâtiment' contient des informations sur les aspects généraux du bâtiment, sur son emplacement, sur sa composition, etc.

Harvest Bay
Les producteurs jouent également un rôle important dans le domaine des passeports matériels. De nombreux producteurs font déjà des efforts et des investissements pour fournir des données relatives à la circularité de leurs produits. Ces données doivent être valorisées, car sur la base de celles-ci - et d'informations supplémentaires sur l'entretien et les réparations, par exemple - les matériaux peuvent également être récoltés ou récupérés.
Harvest Bay va encore plus loin. Ils voulaient avoir un aperçu de l'ensemble de leur stock et voir facilement quand un certain produit pourrait être libéré pour être réutilisé. C'est pourquoi ils ont littéralement cartographié leurs produits. En outre, Harvest Bay propose ces produits réutilisables à la vente sur son site web. Vous y trouvez toutes les informations nécessaires (comme vous le feriez pour l'achat d'un nouveau produit). Toutes ces données sont finalement rassemblées sur une seule plate-forme : cirling.

Building Material Scout
Les concepteurs et les sociétés d'ingénierie sont toujours à la recherche de moyens pour mieux concevoir, d'une manière de plus en plus durable et circulaire. Pour ce faire, ils doivent être en mesure de trouver suffisamment d'informations sur les caractéristiques techniques des produits et des matériaux, notamment lorsqu'ils sont réutilisés. Drees & Sommer a donc développé l'outil 'Building Material Scout'. Au départ, cet outil n'a été développé que pour notre propre usage, comme une sorte de base de données de produits à laquelle sont associées des informations sur leur impact environnemental. Au cours du projet BAMB, des informations sur la circularité ont été ajoutées. Dans une dernière étape - qui a finalement débouché sur le Building Material Scout proprement dit - les membres se sont intéresser à la question de savoir comment les produits pouvaient être conformes à certains labels exigés pour les bâtiments.
L'outil offre une fonction de recherche permettant aux concepteurs de filtrer les produits en fonction des exigences imposées, tant au niveau des produits qu'au niveau des bâtiments. Une fois qu'un produit particulier a été sélectionné, il est possible d'obtenir des informations supplémentaires sur sa durabilité et les différents labels auxquels il peut répondre. En outre, l'outil contient des informations sur la circularité d'un produit, par exemple s'il est ou non conçu pour être réutilisé ou remanufacturé.

Madaster
Une dernière initiative (bien que distincte du projet BAMB) est Madaster, destinée à soutenir les propriétaires de bâtiments dans la gestion circulaire des bâtiments. Cette plate-forme fournit, entre autres, des informations sur les types de matériaux présents dans une couche particulière du bâtiment, du site à la structure et aux services. Un score de circularité a également été développé au niveau du bâtiment et au niveau des différentes couches.

Qu'en est-il au niveau européen ?
Les initiatives susmentionnées ne sont bien sûr pas distinctes de ce qui se passe au niveau européen. Il existe également diverses initiatives tant au niveau des bâtiments que des produits. Par exemple, l'élaboration d'un European Digital Product Passport a été lancée, et des recherches sont actuellement menées sur la forme que devrait prendre ce passeport. Cette évolution est le résultat de plusieurs initiatives antérieures, telles que le Circular Economy Action Plan, la Sustainable Product Policy Initiative et la stratégie européenne mise en place pour la gestion des données. Au niveau des bâtiments, des recherches sont en cours afin de développer un Digital Building Logbook.