“LE LONG ABANDON DE NOTRE RESEAU ROUTIER N'EST PAS ENCORE COMPENSE"
LE CONSTRUCTEUR DE ROUTES WILLEMEN INFRA VOIT ENCORE PAS MAL DE PAIN SUR LA PLANCHE
Toutes les autorités publiques que compte notre pays, n'ont pas ou bien trop peu investi dans notre réseau routier durant des années. C'est l'avis de Tom Willemen, CEO du Willemen Groep, mais c'est aussi confirmé par les chiffres. Et certainement en comparaison des investissements consentis aux Pays-Bas et en France. Mais depuis quelques années, cela s'améliore. Quoiqu'il reste pas mal de pain sur la planche. InfraStructure a eu un entretien passionnant avec le CEO Tom Willemen à propos de son entreprise, des défis présents, de l'importance des nouvelles techniques et de sa vision de l'avenir.
”Nous recyclons au maximum les materiaux pour fabriquer un beton qui satisfait a toutes
les exigences posees”
- Tom Willemen
STRUCTURE ORGANISATIONNELLE
Le Willemen Groep est scindé en trois clusters: Entreprises générales, Sous-traitants et Projets de Promotion immobilière. Dans ce dernier cluster figure Willemen Real Estate, qui vend des terrains, érige des appartements et les vend à des clients privés. Le cluster Sous-traitants compte trois business lines: fondations, multitechniques et gestion d'installations. “Mais le plus grand cluster est celui des Entreprises générales", entame Tom Willemen. “Ce cluster est scindé en Construction et en Infrastructure. Dans la business line Construction figuraient encore l'an dernier Willemen General Contractor et le département Construction de Kumpen. Ceux-ci ont fusionné récemment en Willemen Construct. Dans Willemen Infra, nous avons réuni Aswebo, Aannemingen Van Wellen et Kumpen (infra). Voilà la structure opérationnelle générale."
TRAVAUX D'INFRASTRUCTURE
“Avec Willemen Infra, nous faisons tout ce qui a trait à l'Infrastructure. La construction de routes naturellement, mais aussi, en corollaire, les ponts et tunnels, les ouvrages d'art, … Les gouvernements flamand et wallon sont nos plus grands clients. S'y ajoutent les services techniques des communes. Les gouvernements régionaux et locaux constituent à peu près 70% de notre chiffre d'affaires. Par ailleurs, les institutions semi-privées telles qu'Aquafin, les administrations du port et enfin, le secteur privé, qui a besoin de grands parkings, comme les chaînes de magasins.

un développement de l’équipe de recherche interne
Cinq usines d'asphalte
La production du béton et de l'asphalte fait aussi partie des activités de Willemen Infra. “A Bruges, Gand, Doel, Lummen et Villers-le-Bouillet, nous disposons d'usines de production d'asphalte. Par ailleurs, nous avons deux centrales de béton mobiles qui s'installent sur de grands chantiers. En leur absence, celles-ci ont un emplacement fixe."
Béton vert
“Nous sommes précurseurs dans ce qu'on appelle le béton vert. Cela signifie que nous recyclons un maximum de matériaux pour fabriquer un béton qui satisfait à toutes les exigences posées. L'asphalte vert, ou asphalte basse température, est aussi pile dans nos cordes. Notre équipe de recherche s'est chargée de ce développement."
TERMINAL A CONTENEURS AU MAROC
Willemen Infra est actif dans tout le pays, mais tout autant à l'étranger. “Notre principal marché hors Europe est en ce moment le Maroc, où nous construisons un grand terminal à conteneurs. L'équipe d'ingénieurs est composée à moitié de Flamands qui ont travaillé tout un temps comme expatrié au Maroc. Ils forment la direction de chantier et sont complétés par une vingtaine d'ingénieurs locaux. Nous engageons toujours les ouvriers au niveau local. Travailler là-bas avec des ouvriers belges serait impayable."
PARTICIPATION A DES TRAJETS DE COCREATION
Un défi particulier consiste à rester constamment au courant de tout ce qui bouge sur le marché. “Nous tentons de le faire en lisant la bonne littérature spécialisée", confie Tom Willemen. “Mais nous participons tout autant à des trajets de cocréation, avec des instituts d'enseignement tels que la KU Leuven ou Thomas More, ou des institutions de recherche telles qu'Imec. Nous voulions découvrir quelles technologies étaient matures pour le marché. A l'aide de projets pilotes, nous voulons apprendre, mais également donner un signal au marché de ce qui bouge. Car ceci est le grand inconvénient de la technologie qui évolue super vite: celui qui reste un peu sur la touche, est désespérément en retard pour monter dans le train en marche. Plus que jamais compte le 'first mover advantage'. Cependant, on ne peut pas être le premier en tout, mais on doit bel et bien toucher à tout. C'est la tâche de notre service innovation de tout suivre."
PROPRES INVENTIONS
Le Groupe Willemen dispose de son département Recherche & Développement qui cherche constamment des applications nouvelles et plus efficaces. “Nous avons déjà breveté diverses inventions", dit avec fierté Tom Willemen. “Un exemple est dRAINphalt. Depuis quelques années, le secteur de la construction de routes demandait une solution qualitative et durable pour l'excédent d'eau de surface qui aboutit dans les égouts, ce qui entraîne des inondations. dRAINphalt est un durcissement innovant utilisé pour les parkings. L'asphalte a une fonction drainante. Toute l'eau de surface s'écoule directement à travers le durcissement. Les égouts, rigoles, grilles d'évacuation, réservoirs de stockage et bassins tampons deviennent superflus. Un autre exemple est le Concrete Stop, une solution pour l'étanchéité qualitative des coffrages. Celui qui utilise l'outil, évite les restes de gravier, mais aussi les cavités en dessous du coffrage. Ce produit est actuellement commercialisé."
L'ASPHALTE A UN AVANTAGE PRIX
De nouvelles techniques ont souvent la fâcheuse tendance d'être (nettement) plus chères que les classiques. Comment Willemen Infra parvient-il à convaincre les adjudicateurs publics de leur approche? “L'Agence des Routes et de la Circulation avantage depuis quelque temps les entrepreneurs qui travaillent avec l'asphalte basse température. Vous avez donc une avance lors de l'attribution. Cela vaut aussi de plus en plus pour le béton vert. Willemen possède aussi ses propres sites de recyclage. Nous utilisons pas mal de matériau recyclé dans les fondations, mais encore peu dans les couches supérieures. Car les normes y sont strictes. Mais nous expérimentons à fond et espérons y intégrer bientôt un matériau recyclé. Dans l'asphalte, nous utilisons depuis très longtemps des matières premières recyclées de routes cassées et autres débris de béton et d'asphalte."
ENTREPRISE FAMILIALE
Après le rachat, le Groupe Willemen emploie 2.300 personnes. Toutefois, on essaie de conserver le caractère familial original autant que possible. “Nous sommes par définition une entreprise familiale, parce que le groupe est détenu par la famille Willemen. Si l'on ne compte pas les entreprises de dragage, nous sommes la plus grande entreprise de construction familiale en Belgique, mais ce n'est que du papier. Plus important est que nous privilégions ici aussi l'ambiance familiale. Ceci explique notre politique très proche des salariés. De nombreux aspects, tels que les finances, l'IT, le marketing et autres, sont organisés au niveau du groupe. Pour les ressources humaines, nous avons opté toutefois pour une combinaison entre les lignes de politique générales fixées par le siège social et un service du personnel décentralisé par entreprise qui procure un interlocuteur immédiat à celui qui en a besoin. Nous essayons aussi de minimiser la distance entre le sommet de l'entreprise et le lieu de travail, tout comme les lignes décisionnelles. Mon père et moi-même sommes accessibles à tous. Mais j'admets que cela reste un défi de pouvoir décider rapidement et de préserver l'ambiance familiale."
PENURIE SUR LE MARCHE DU TRAVAIL
Trouver et garder 2.300 personnes n'est pas une sinécure pour toute entreprise. Il n'en va pas autrement pour le Groupe Willemen. “Nous pouvons affirmer sans rougir que la pénurie sur le marché du travail freine notre croissance", affirme Tom Willemen. “Si vous ne trouvez pas les bonnes personnes, vous acceptez moins de travail ou moins de bons travaux. Ce faisant, vous sollicitez encore plus les travailleurs qui sont bel et bien présents. Il est difficile de trouver un équilibre. Celui qui est surchargé de travail, est plus sensible aux maladies ou aux erreurs. On pense nettement moins de façon créative en fonction de notre entreprise ou du client. En résumé, nous avons tout intérêt à ce que nos salariés se sentent au mieux, mais en raison de la pénurie sur le marché du travail, ce n'est pas toujours évident. Que faire? Nous tentons en tout cas de recruter de la bonne manière. D'une part, nous investissons beaucoup dans la formation de nos collaborateurs via la Willemen Academy. D'autre part, nous approchons activement les hautes écoles et les universités, et nous sommes résolument présents sur des salons de l'emploi. Nous donnons des conférences et autorisons les stages. Tout pour que les gens apprennent à bien nous connaître."
WINGS: RESEAU INTERNE -36 ANS
“Une fois entrés, ils reçoivent de nombreuses possibilités de formations: techniques, IT, formation en gestion, … Nous avons aussi une masterclass Leadership pour les personnes qui ont une dizaine d'années d'expérience dans le leadership. Avant, quelques barrettes sur vos épaules suffisaient pour être reconnu comme chef. Cela ne fonctionne plus ainsi dans une organisation moderne, où des concepts tels que empowerment et empathie sont très importants. Des concepts qu'un ingénieur n'apprend pas normalement. Notre Academy prend alors la relève. Nous travaillons sur mesure pour nos salariés: les salariés plus âgés ont davantage besoin de formations IT, tandis que les jeunes profitent mieux de connaissances techniques. Une autre initiative interne est Wings, un réseau de tous les membres de personnel de moins de 36 ans. Wings signifie 'Willemen Intercompany Network for a Great Start'. L'âge est arbitraire, mais pour la facilité, nous partons du principe qu'après 36 ans, vous avez grandi dans l'entreprise et avez participé automatiquement à bien plus de concertations interservices. Ils organisent de nombreuses activités et agissent comme groupe de réflexion. Si je me demande comment recruter les meilleurs jeunes, je peux leur soumettre la question et ils cherchent une solution. Nous alignons notre politique sur leurs constatations. Mais nous leur demandons tout autant quels sont les besoins d'un trentenaire lors de l'achat d'un appartement. Veut-il p.ex. un système domotique?"
PROPRE ADN
Le Groupe Willemen s'est fixé trois objectifs à long terme. “En premier lieu, nous voulons grandir de façon durable, mais rentable", affirme Tom Willemen. “C'est l'ADN d'une entreprise familiale. Nous ne travaillons pas pour la Bourse ou pour un actionnaire externe. Non, nous travaillons à long terme et voulons investir dans nos entreprises. Ceci n'est possible qu'avec la croissance et un bénéfice. Secundo, nous voulons devenir LA référence pour nos clients et clients potentiels. Nous ne voulons pas être un entrepreneur parmi des centaines d'autres. Au contraire, nous voulons être le premier cité pour chacune de nos entreprises. Cela a déjà réussi pour certaines entreprises. Dans les fondations sur pieux, nous sommes déjà la référence dans notre pays. Idem pour notre production d'asphalte. Enfin, nous voulons créer un cadre de travail agréable et surtout sécurisant pour nos collaborateurs. Nous visons de façon très active à éviter tout accident de travail via notre campagne 'go for zero'. Depuis le début de cette campagne, la tendance dans les accidents de travail est une baisse structurelle. J'estime que c'est aussi notre responsabilité sociale. Notre croissance et notre bénéfice ne peuvent pas nuire à la santé. Notre devise n'est pas par hasard: 'la sécurité prime toujours, même si le temps ou le budget fait défaut'. En visant ces trois aspects, nous voulons être un bon employeur où les gens apprécient de travailler. En effet, nous pouvons uniquement grandir grâce à eux."

RATTRAPAGE ENTRETIEN DES ROUTES
Le sentiment général est que l'état de notre chaussée - autoroutes et routes régionales - n'est pas terrible. Tom Willemen le confirme. “On observe effectivement un grand retard dans l'entretien du réseau routier belge. Les nombreuses années de négligence réclament leur dû. Pour les politiciens, l'entretien des routes est souvent l'un des premiers postes d'économie. Une route ne se plaint pas d'un manque d'entretien. Les économies dans l'enseignement ou dans le secteur des soins sont nettement plus visibles et liées directement à un électorat. En pourcentage, le budget d'investissement en Flandre est bien plus faible qu'aux Pays-Bas et en France. Les vacanciers constatent sans équivoque que les routes y sont en bien meilleur état que dans leur propre pays. L'ancienne ministre des Travaux publics, Hilde Crevits, a entamé un rattrapage pour les autoroutes. Le ministre actuel, Ben Weyts, a poursuivi ce programme, mais c'est maintenant au tour des routes régionales où il reste pas mal de pain sur la planche. En raison du plus grand nombre d'intervenants, le travail sur les routes régionales est nettement plus fastidieux que sur les autoroutes. Le report et les délais plus longs en sont la conséquence. Et entre-temps, la route reste mauvaise et souvent dangereuse. Enfin, nous ne pouvons pas nous plaindre ces derniers temps, car ces cinq dernières années, on a investi correctement, mais le rattrapage est loin d'être achevé."