"UN TRAVAILLEUR HEUREUX EST LE PREMIER PAS VERS UN CLIENT SATISFAIT"

MIEKE FRIJTERS (ATF) TROUVE QUE LA RECONNAISSANCE DES EMPLOYES EST PRIMORDIALE

Le monde de l'entreprise générale ne manque plus de femmes de caractère. Regardez Mieke Frijters d'ATF. Elle s'est récemment vu remettre des mains de la reine Mathilde le titre de ‘femme entrepreneur de l'année'. Voilà une bonne raison de lui tendre notre micro. L'entretien a donné lieu à une discussion passionnante sur des débuts pas évidents, sur l'importance du bien-être des travailleurs et sur le port d'Anvers, qui ne dort jamais.

LE PORT COMME CHAMP D'ACTION

“Les formations sont cruciales, mais les exposants qui durent des heures, ce n'est pas pour notre personnel. Il faut que ce soit pratique”

ATF effectue des travaux de voirie, d'égouts, de terrassement, d'assainissement du sol, de recyclage de matériaux de voirie, … “Pour décrire nos activités, je dis qu'elles concernent tout ce qui se passe sur et sous le sol”, commence l'administratrice déléguée, Mieke Frijters. “Nous ne faisons pas d'autoroutes. Notre champ d'action se limite essentiellement au port d'Anvers. Avec notre situation à Zandvliet, ce n'est pas étonnant. Au sein du port, nous sommes spécialisés dans l'industrie chimique et pétrochimique.”

Une façon de travailler différente

ATF est actif dans le port d'Anvers tant pour les autorités et les communes flamandes que pour le port et l'industrie. La façon de travailler est complètement différente. “Quand on travaille pour les autorités, on reçoit un cahier des charges détaillant précisément tout ce qu'il faut effectuer. On donne un prix et c'est le moins cher qui l'emporte. Peu importe la qualité du travail tant qu'on est le moins cher. Pour le moment, il n'y a aucune marge pour une éventuelle approche alternative.”

“Dans le secteur industriel, c'est totalement différent. Là, on est toujours ouvert à de nouvelles idées. En cas de problème imprévu, on en discute ensemble et on cherche des solutions ensemble. Nous réalisons environ 80% de notre chiffre d'affaires avec la (pétro)chimie dans le port.”

Plus de mal à se décider

Autrefois, on voyait plus de pics et de creux. Aujourd'hui, Mieke Frijters remarque que les activités portuaires s'étiolent un peu. “Cela se voit aussi aux investissements. On promet toutes sortes d'investissements, mais on a plus de mal à se décider au final. Autrefois, on avait un plan et on l'exécutait. C'était simple. Aujourd'hui, on dirait que les gens entreprennent en s'agrippant au frein à main. On dépense beaucoup d'argent en plans et en études, mais soit le projet est annulé, soit le feu vert est donné et là, tout devient ultra-urgent.”

“L'entrepreneur doit être de plus en plus flexible, car le client réagit à la dernière minute. Notre inconvénient en tant qu'entrepreneur en voirie est que nous sommes les premiers et les derniers sur le chantier, ce qui nous oblige à certaines acrobaties. Mais ce n'est pas une mauvaise chose: grâce à cette approche, nous pouvons participer activement à la réflexion du client. Et c'est très apprécié.”

Pas d'embouteillages

En tout cas, travailler dans et pour le port d'Anvers est une priorité pour Frijters. Le problème de mobilité n'y est pas étranger. “C'est vrai. En tant qu'entreprise, nous trouvons très important que notre personnel puisse aller travailler sans être confronté à des embouteillages. Tous mes employés habitent dans un rayon de 30 kilomètres autour de notre entreprise. En aucun cas, nous n'allons à Bruxelles ou à Gand le matin.”

Pourtant, la situation devient plus difficile au nord d'Anvers. “Il arrive de plus en plus souvent que les files arrivent jusqu'ici”, déclare Frijters. “C'est notamment pour ça que nous visons des chantiers tout près. L'avantage supplémentaire est qu'ils peuvent aussi être combinés plus facilement.”

ATF

ATF signifie Aannemings- en Transport­bedrijf Frijters. “En 1960, mon père a acheté un camion pour effectuer du transport au sein du port. Très vite, une grue est venue s'ajouter et ATF a pris forme. En 1982, à l'âge de dix-huit ans, j'ai rejoint l'entreprise, où travaillait déjà mon frère, qui avait onze ans de plus que moi. Hélas, mon père est décédé cette année-là. Ensuite, mon frère et moi avons décidé de continuer à développer ATF."

“On parle parfois de crise économique actuelle, mais ce n'est rien comparé à la dépression des années 80. Heureusement, il y a eu une reprise dans les années 90 et nous avons pu en profiter.”<

Les années 80 n'ont pas été faciles. “On parle parfois de crise économique actuelle, mais ce n'est rien comparé à la dépression des années 80. Heureusement, il y a eu une reprise dans les années 90 et nous avons pu en profiter.”

 

“Pourtant, ce n'est pas la même chose que d'être à deux. Heureusement, je suis très soutenue par mon excellente équipe de direction. Nous gardons des lignes de com­munication courtes et notre philo­sophie est la suivante: un travailleur heureux est le premier pas vers un client satisfait.”

• Adresse: Het Voorhof 5, Zandvliet
• Personnel: 100
• Park machines: 65 outils
• Investissements: 1 million euros/an
• Chiffre 2018: 19,5 millions d'euros
• Site web: www.atf.be

LA SECURITE EST UNE ATTITUDE

“Lorsqu'on investit dans une nouvelle machine, ce serait absurde de ne pas demander l'avis de ceux qui l'utiliseront au quotidien”

"Travailler pour la (pétro)chimie a des conséquences pour la gestion d'une entreprise. “La sécurité est la priorité absolue dans ce secteur”, déclare Frijters. “Mais en fait, c'est plus qu'une priorité; c'est une attitude. Nos travailleurs doivent en être imprégnés.”

Cette prise de conscience commence dès l'entrée en service. “Tous ceux qui commencent ici, reçoivent une formation détaillée accordant une grande attention à la sécurité. Par ailleurs, nous organisons une journée de for­mation deux fois par an, avant le congé du bâtiment et le congé de Noël. Via un jeu interactif que nous avons inventé, nous nous con­centrons sur la sécurité, la santé, l'environnement et la qualité. Nos travailleurs ne doivent pas être assommés par un exposé ex cathedra sans fin. Ils ont l'habitude d'être actifs et c'est aussi ce qu'ils souhaitent pendant une formation.

“Je pense que cet accent sur la formation nous distingue des autres entreprises. A côté de ça, nous disposons bien sûr de matériel spécialisé pour pouvoir travailler pour la pétrochimie, comme un camion aspirateur avec lequel nous pouvons exposer les con­duites en aspirant le sable. Cela réduit con­sidérablement le risque d'accidents.”

UN PERSONNEL CHOUCHOUTE

Le secteur de la voirie et des égouts n'est pas le plus facile pour trouver des travailleurs et les garder motivés. “Pour le moment, nous employons une cen­taine de collaborateurs”, déclare Frijters. “Je les connais tous par leur nom. Mais ils viennent rarement à mon bureau. Je suis moi-même très souvent présente sur le terrain. Là, les travailleurs sont dans leur élément et ils sont plus loquaces. J'obtiens alors des informations utiles.”

“Avec l'amenagement de la liaison Oosterweel, il doit y avoir beaucoup de travail. C'est notamment pourquoi nous prevoyons une branche beton en plus de notre equipe asphalte”

“Si nous envisageons d'investir dans une nouvelle machine, j'implique mes collaborateurs. Le contraire serait absurde. Un chef doit demander l'avis de ceux qui travailleront au quotidien avec la machine en question, non? Selon moi, cette responsabilité et cette reconnaissance contribuent directement au sentiment de valorisation que je veux donner à mes travailleurs.”

A côté de ça, il y a chez ATF quelqu'un qui s'occupe uniquement du per­sonnel. “Cela peut aller très loin,” déclare Frijters, “jusqu'à contacter un fournisseur Internet, parce qu'un employé a l'impression que sa facture n'est pas correcte. Mes employés sont donc chouchoutés. D'un autre côté, j'y gagne énormément, car ils viennent au travail l'esprit tranquille, si bien qu'ils peuvent se concentrer pleinement sur leur tâche.”

UN MONDE D'HOMMES?

Unizo Award

Plus tôt dans l'année, Frijters a été élue 'femme entrepreneur de l'année' par Unizo et en présence de la reine Mathilde. Cela a déclenché un véritable tourbillon. “Apparemment, le jury a apprécié la manière dont nous travaillons et notre attitude à l'égard de nos travailleurs. Je dis toujours que je dirige mon entreprise avec la tête et avec le cœur. Les deux vont de pair.”

“Mais cela ne signifie pas que je m'attendais à cette récompense. Loin de là. Le jury était élogieux, mais malgré ça, je pensais qu'il y aurait de bien meilleures candidates. Et sou­dain, j'ai entendu mon nom. Ensuite, tout s'est emballé: de nombreuses apparitions dans les médias, beaucoup de vœux de réussite et des journées auxquelles il semblait manquer des heures.”

Une interlocutrice à part entière

Peut-être que le jury a apprécié le fait que Frijters soit arrivée à se faire une place dans un monde d'hommes par excellence. “Quand mon frère travaillait encore ici, j'étais plus en retrait. Il s'occupait des clients et moi du fonctionnement interne.” “Après son départ, j'ai pris sa place et je suis devenue une interlocutrice à part entière, même si mes chefs de projet sont également en étroit contact avec mes clients.”

“Il y a plein de choses à arranger, car je bénéficie de beaucoup de soutien de la part de mon mari. On l'appelle toujours le 'home manager'. Il veille à ce que tout soit réglé à la maison, ce qui me permet de me concentrer entièrement sur ATF.”

CROITRE DANS LE RESPECT DU CLIENT ET DE L'EMPLOYE

En tout cas, la victoire aux Unizo WOMED Awards fut une belle expérience pour Frijters. “Tant pour moi que pour mes collaborateurs. Ce prix a apporté un sentiment de valorisation et de reconnaissance. Cela valait donc largement la peine.”

“En effet, avec ATF, nous voulons avant tout chouchouter nos clients existants et de temps en temps décrocher un nouveau client afin de pouvoir croître dans le respect du bien-être de nos travailleurs.”

Une branche béton en gestion propre

“Nous préparons aussi le lancement de notre propre branche béton. Nous avons déjà une équipe asphalte. Avec la réalisation de la liaison Oosterweel, nous pensons qu'il y aura beaucoup de travail, également pour nos sous-traitants. Comme nous voulons continuer à garantir de la qualité à nos clients, nous effectuons en plus en plus de tâches en gestion propre, d'où cette branche asphalte et béton.”