Faut-il désigner une organisation interprofessionnelle pour valider ces informations?
Robby Cattoor (Infrabel): “La justesse des données est une responsabilité partagée. Il n'est pas utile de désigner un organe faîtier. Un maître d’ouvrage doit définir l'ensemble des données entrantes qu'il attend. Il n'est plus possible de collecter des informations correctes par l' intermédiaire de ses propres moyens et collaborateurs. Vous devez donc pouvoir compter sur des tiers ou des utilisateurs qui peuvent apporter de la valeur à votre organisation et vos systèmes. Les données qu'ils fournissent doivent bien entendu être validées. Au final, vous ne devriez même plus avoir besoin de personnel pour mettre vos données à jour.”
Annick De Swaef (OCW): “Nous devons veiller à ne pas nous faire des illusions sur l’existence de données idéales et libres d’accès. Ce ne sera jamais le cas, même en faisant appel aux technologies les plus performantes. Il y aura toujours des erreurs. Certaines données ne seront jamais libres d'acces ou seulement dans une mesure limitée. Les autres ne seront utilisables que pendant une période limitée. Nous n'en sommes qu'au début. Un débat approfondi s'impose donc sur les données, la manière de les collecter et sur la façon de savoir avec qui, quand et dans quelles circonstances les partager. Certaines données ne valent peut-être pas la peine d'être collectées. Après tout, les investissements doivent pouvoir rester maîtrisables pour tout le monde.”
Dirk Van Loo (COPRO): “C'est aussi le danger de la numérisation: tout le monde pense que les données numériques sont toujours exactes. Et rien n'est moins vrai. Nous devons toujours rester critiques.”
Tom Roelants (AWV): “Mon agence a consacré beaucoup de temps au développement d'une OTL (Object Type Library, NDLR.), une bibliothèque d'objets. Nous y avons défini les objets qui constituent l'ensemble de notre patrimoine et ce que nous souhaitons savoir à leur sujet. L'OTL constitue la base, car en tant qu'institution gouvernementale, nous avons un rôle important à jouer dans l'élaboration d'un cadre de référence. Après tout, si nous ne parlons pas la même langue, nous ne serons jamais capables de communiquer correctement. Mais tout aussi important sont le protocole BIM ainsi que le plan de mise en œuvre prévu, qui détermine la responsabilité de chaque partenaire en fonction des différents cahiers des charges pour que le niveau de détail soit clair pour tous. En fait, il arrive parfois que des informations en 2D nous suffisent. Mais parfois, même la 3D n'est pas assez adaptée. Le secteur demande également des accords formels clairs. Il a été convenu au sein du gouvernement flamand que le secteur des voies navigables suivrait également la même approche. Ces connaissances peuvent facilement être partagées avec les autorités routières communales ainsi que d'autres régions. Ce cadre de référence doit s'appliquer aussi largement que possible. Un cadre européen serait vraiment idéal. Cela ne saurait que profiter au secteur de la construction.”
“Il n'est plus possible de collecter des informations correctes par l'intermédiaire de ses propres moyens et collaborateurs. Vous devez donc pouvoir compter sur des tiers ou des utilisateurs qui peuvent apporter de la valeur à votre organisation et vos systèmes .”
- Robby Cattoor (Infrabel)
Dirk De Waele (Aquafin): “Je suis tout à fait d'accord avec Tom. Le BIM en est encore à ses débuts dans le secteur des infrastructures. Le secteur de la construction est peut-être déjà plus avancé, mais il est aussi plus fragmenté. Dans notre secteur, cependant, nous sommes tous dans le même bain. Il n'est donc pas question d'avoir nos propres normes individuelles. En premier lieu, il est important de déterminer quelles données nous voulons partager. Si, par exemple, un fabricant fabrique un produit inadapté, nous voulons le savoir en tant que maître d’ouvrage, afin de pouvoir interdire à nos entrepreneurs de travailler plus longtemps avec ce produit.”
Dirk Van Loo (COPRO): “La numérisation simplifiera également la traçabilité des produits et des matières premières. Nous avons tout intérêt à savoir ce que nous utilisons et quelle est son origine. Ces informations peuvent être importantes, par exemple, en cas de catastrophes. Mais surtout dans trente ans pour appliquer les préceptes de l'économie circulaire, il faudra savoir quels matériaux et matières premières ont été utilisés pour un ouvrage de constructions donneé. C'est la seule façon de permettre un recyclage de haute qualité. Démolir du béton pour en faire des matériaux de fondations ne constitue qu'un recyclage de faible qualité. Demolir du béton pour en refaire du béton, là c'est vraiment de l'économie circulaire. Le BIM jouera un rôle important dans ce sens.”
Robby Cattoor (Infrabel): “Une condition majeure doit être que même si un projet n'a pas été suivi par un entrepreneur, celui-ci ait, par après, quand même accès à toutes les informations. Collaboration et communication sont les mots clés. Les modèles de conception et de mise en œuvre doivent être précis et refléter la réalité.”
Annick De Swaef (CCR): “C'est précisément pour cette raison que nous, au CRR, nous faisons le lien entre le BIM et l'économie circulaire.”
”Pierre Gilles (SPW): “L'information glanée depuis le terrain est essentielle. Les sièges sociaux ne savent pas tout. Si les personnes sur le terrain savent que leurs informations sont cruciales, elles se sentiront impliquées. Mais il faut leur apporter le soutien nécessaire et leur accorder une priorité absolue. Sinon, du haut de votre tour d'ivoire, vous vous retrouverez avec des informations qui, à votre insu, s'avéreront souvent erronées.”
Robby Cattoor (Infrabel): “Le contexte d'une organisation par rapport à d'autres partenaires a également un impact majeur sur la précision de la numérisation. Infrabel travaille sur un projet interne relatif à l'OTL et aux cadres de référence. Nous effectuons suivons en interne presque toutes les étapes d'un cycle de vie. Il faut donc convaincre nos propres employés de travailler avec des systèmes de numérisation adaptés. Les personnes sur le terrain devront utiliser une tablette au lieu de travailler de manière analogique. Les données sont cruciales, mais d'autres aspects tels que la sensibilisation des personnes sur le terrain sont également importants. Ce travail de co-création est l'un des plus grands défis d'Infrabel.”
Tom Roelants (AWV): “Je rejoins ce point de vue également. Beaucoup de choses sont externalisées dans notre agence. C'est pourquoi il est très important que les petits entrepreneurs et les bureaux d'études soient également impliqués dans cette aventure. Ils n'ont souvent pas la marge de manœuvre nécessaire pour investir massivement dans le BIM. Nous devrons absolument tout faire ensemble, sinon la numérisation ne se fera que partiellement. Si les petits acteurs ne peuvent pas participer, nous avons un problème. Lors d'une de nos journées d'information BIM, un grand entrepreneur a témoigné que les erreurs dues à une préparation insuffisante lui coûtaient cher. Grâce au BIM, les erreurs peuvent être supprimées avant et pendant la phase de conception. Rien que cela constitue un gain important.”