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RENOVATION ET STABILISATION DES QUAIS DE L'ESCAUT À ANVERS

"À l'issue de ces travaux drastiques, les quais seront repartis pour un siecle"

Les quais de l'Escaut à Anvers se déplacent, se fissurent et basculent. Ce gros problème de stabilité a débouché sur un projet de grande envergure consistant à moderniser, rénover et stabiliser les quais sur 7 kilomètres de long d'ici 2031. Grâce à une collaboration unique entre De Vlaamse Waterweg nv et la Ville d'Anvers, l'environnement des quais sera également traité dans le projet. InfraStructure a discuté avec l'ingénieur de projet Koen Segher, qui est censé mener tout cela à bien avec plusieurs collègues.


ORIGINES

Début 1800, Napoléon a fait des plans pour la construction des murs de quai. En effet, il voulait faire d'Anvers un point stratégique important pour son empire. Sous son régime, les activités portuaires ont été fortement développées. Ce n'est pas un hasard si le quai Bonaparte a été appelé comme ça. Mais à un moment, l'ère de Napoléon a pris fin et il a fallu attendre la fin du 19e siècle avant que ses projets de rectification des quais de l'Escaut soient ressortis de sous la poussière. Pour l'époque, la construction de ces murs de quai était un travail de titans.

En effet, d'une part, ils étaient construits dans l'Escaut et d'autre part, il fallait démolir une ancienne partie de la ville pour pouvoir les réaliser. Les ingénieurs de l'époque ont essayé d'empêcher que le mur de quai ne glisse vers la rivière en installant notamment des structures en béton devant les caissons, qui sont des fondations spéciales sur de l'acier. “Au fil des années qui ont suivi, cette structure s'est révélée insuffisante, d'où la nécessité de ces travaux. Ceci dit, il faut reconnaître que les murs de quai sont encore en relativement bon état, sachant qu'ils sont là depuis plus de cent ans. Les problèmes se situent surtout dans la couche de fondation, mais la majeure partie de la maçonnerie est encore en très bon état."

LE PLAN SIGMA COMME CATALYSEUR

“Les projets de travaux aux quais de l'Escaut ne datent pas d'hier", commence Koen Segher. “De nombreux projets ont déjà été élaborés dans le passé. Mais c'est au début des années 2000 que l'actualisation du plan Sigma est devenue très importante. Ce plan est censé protéger la Flandre des inondations de la mer du Nord et avait donc des implications directes sur les quais de l'Escaut. Tout le monde connaît le mur de protection en béton le long de la rivière. Dans le cadre du plan Sigma, il s'est avéré que ce mur n'était pas suffisamment haut. Par ailleurs, cela fait déjà un certain temps que des plans d'aménagement des quais circulaient au sein de l'administration. En fait, trois facettes étaient importantes: d'une part, un rehaussement des murs de quai en guise de protection contre les inondations, d'autre part, un embellissement des quais et enfin, la constatation que la stabilité des murs de quai avait été compromise par les morsures du temps. De gros travaux d'infrastructure étaient donc nécessaires pour faire en sorte que les quais répondent aux normes de stabilité actuelles."


DES ETUDES QUI MENENT A UN MASTERPLAN

La combinaison de ces facteurs a entraîné une intense collaboration entre De Vlaamse Waterweg nv et la Ville d'Anvers. “Nous nous sommes effectivement réunis en 2008 pour nous attaquer à ce travail de titans. Nous avons commencé par réaliser plusieurs études: une étude partielle technique, une étude de la stratification du sol derrière les murs de quai, une étude de mobilité, une étude historico-culturelle, étant donné la présence d'éléments du patrimoine le long de l'Escaut. Enfin, il y a bien sûr eu une étude financière. Toutes ces études réunies ont formé la base d'une description de mission pour un concours d'architecture.

Le résultat fut un masterplan pour les quais de l'Escaut qui a été approuvé par la Ville et les autorités flamandes. L'entreprise De Vlaamse Waterweg a été responsable de la stabilisation du mur de quai historique ainsi que du rehaussement du mur de protection. La Ville d'Anvers s'occupe du réaménagement du domaine public. Mais le projet est tellement intégré qu'il nécessite une très étroite collaboration, même dans la phase d'exécution."

SEPT ZONES AVEC CHACUNE SA PROPRE APPROCHE

Le masterplan approuvé indique de manière détaillée comment chacune des sept zones sera traitée. Ces zones sont les suivantes: Droogdokkeneiland, Rijnkaai, Loodswezen, Schipperskwartier & Centrum, Sint-Andries & Zuid, Nieuw Zuid et Blue Gate Antwerp. “Chaque zone s'est vu attribuer son propre avenir et offrira aux Anversois une expérience différente", déclare Koen Segher. “La première zone à laquelle nous nous sommes attaqués, est Sint-Andries & Zuid. Nous avons commencé par établir un croquis. Parallèlement, nous avons fait un plan détaillé pour la stabilisation des murs de quai. Comme le rehaussement du mur de protection et l'aménagement du domaine public sont imbriqués, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Ville.

Pour le nouvel aménagement, nous avons collaboré de façon intensive avec la population anversoise. En effet, la ville voulait rendre les quais aux Anversois. Via un site web, ceux-ci ont pu exprimer diverses remarques et suggestions, qui ont été transmises aux architectes. On a préservé au maximum le caractère maritime du mur de quai.
Du côté des terres, on a opté pour une zone verte, avec un parc allongé le long de cette zone d'1,5 kilomètre où est intégré le mur de protection."

PAS DE PARKING DANS LA DIGUE

Il existe différents types de mur de protection. De Vlaamse Waterweg a analysé avec précision quel type appliquer. “Un mur de protection mobile grâce à des éléments montants est toujours le plus impressionnant", déclare Koen Segher, mais une protection fixe offre plus de sécurité. “Il existe aussi la digue verte classique. Mais on peut également intégrer un mur de protection dans le mobilier urbain. Bien sûr, il est également possible de surélever toute la surface du quai. Pour Sint-Andries & Zuid, nous avons choisi une sorte de digue qui s'installe comme un ensemble ondulant sur la surface du quai. Ce projet a débuté en 2009. A l'origine, le but était d'intégrer un parking souterrain, mais il s'est avéré que c'était loin d'être évident, et nous avons finalement abandonné cette piste pour cette zone. En 2013, nous avons eu le feu vert pour le projet, après quoi les préparatifs pour la réalisation ont pu commencer."


LE PROBLEME DE L'ARGILE DE BOOM

Le type de sol qui se situe en dessous et derrière, est important pour la stabilisation des murs de quai. “Au sud, il y a de l'argile de Boom quasiment jusqu'au niveau du sol", explique Koen Segher. “Au nord, cette argile est très profonde et recouverte d'une grosse quantité de sable anversois. Les différentes sortes de sol ont chacune une influence différente sur les murs de quai, si bien que ces murs doivent être stabilisés de différentes manières. La couche d'argile de Boom est solidement consolidée et commence à se dilater, lorsqu'elle est déchargée.

De plus, elle ne laisse absolument pas passer l'eau, si bien qu'on peut avoir derrière le mur de quai une grosse pression d'eau, lorsque l'Escaut est bas. Conséquence: le mode de stabilisation au sud ne sera pas du tout le même qu'au nord. Dans la zone Nieuw Zuid, nous avons même constaté que le mur de quai s'est déplacé de 20 centimètres et a partiellement basculé au fil du temps. Nous n'avons donc pas pu compter sur l'ancienne structure pour garantir la stabilité dans les cent années à venir. Dans cette zone, nous avons donc entièrement enlevé l'ancien mur de quai pour y installer un nouveau. Pour ce faire, nous avons recouru à des explosions, ce qui a donné des images spectaculaires reprises par les différents journaux."

PRESSION DE L'EAU NEUTRALISEE

Pour De Vlaamse Waterweg aussi, la réalisation de ce projet titanesque constitue un trajet d'apprentissage. “En 2012, nous avons commencé à stabiliser une première partie du mur de quai au Gerlachekaai. Nous voulions réaliser la stabilisation en approfondissant les fondations via un sous-jointoiement et ancrer le mur de quai via des ancrages inclinés vers les terres.

Pendant la réalisation, nous avons constaté via un monitoring en temps réel que le mur de quai bougeait beaucoup trop. 
De plus, nous avons remarqué que même la partie de mur stabilisée bougeait encore. Dans ces conditions, cette technique était donc particulièrement difficile à contrôler. C'est pourquoi nous avons choisi de laisser simplement le mur de quai en place, en guise d'élément visuel, mais de ne plus compter sur sa propre structure. Nous avons installé vers l'intérieur des terres une nouvelle structure qui assure la fonction de mur de quai. Pour la zone Sint-Andries & Zuid, nous avons construit 12 mètres derrière la pierre bleue un mur de 30 mètres de profondeur sous le niveau du sol. Celui-ci a été ancré avec des tirants. L'espace entre l'ancien mur de quai et le mur profond a été creusé jusqu'à 0 mètre DNG, la laisse de basse mer moyenne à hauteur d'Anvers. Nous avons foré des trous à travers l'ancien mur de quai, si bien que lorsque les eaux de l'Escaut montent, elles peuvent s'insinuer dans le creux entre le mur de quai et le mur profond. Nous neutralisons ainsi la pression de l'eau sur l'ancien mur.

Devant le mur de quai sur le lit de la rivière, nous avons appliqué une protection de 30 mètres de large via une couche de moellons recouverts de tapis d'asphalte. 
Nous voulons ainsi garantir le niveau du fond devant le mur de quai pour les cent prochaines années. En effet, l'Escaut est également soumis à un phénomène d'érosion, essentiellement causé par les gros cargos."


PATRIMOINE

Un point important dans toute cette histoire est également la valeur de patrimoine des anciens murs de quai. “Pour nos collègues du Patrimoine Immobilier, il est par exemple très important de préserver la vue au maximum. Nous sommes donc obligés de maintenir la ligne du mur de quai et la pierre bleue dans le centre. Dans la zone Blue Gate, nous avons pu installer un nouveau mur de quai devant l'ancien. Plus on va vers le nord, plus le mur de quai est en bon état, ce qui simplifie la rénovation. Là, celle-ci peut continuer à jouer son rôle visuellement, surtout tant que nous pouvons effectuer des travaux de stabilisation dans l'arrière-pays."

NIEUW ZUID: UNE TOUTE NOUVELLE STRUCTURE

La rénovation du mur de quai de la zone Sint-Andries & Zuid est qualifiée par De Vlaamse Waterweg de rénovation 'douce'. “Parce que nous avons préservé au maximum le mur de quai", déclare Koen Segher. “Dans la zone Nieuw Zuid, l'ancien mur de quai s'est beaucoup plus déplacé, si bien qu'il aurait été inconscient de lui attribuer encore une quelconque fonction à l'avenir. C'est pour ça que nous avons choisi d'enlever l'ancien mur de quai et d'installer une nouvelle structure à la place via une technique en plusieurs phases mûrement réfléchie. Du côté des terres, nous avons d'abord placé des palplanches, qui ont aussi été ancrées. Nous avons ainsi créé une grande fouille du côté de l'eau. L'espace entre la fouille et l'ancien mur de quai a été creusé. Ensuite, on a éliminé le mur de quai au moyen d'explosions. On a enlevé les débris au moyen de grues sur un ponton. A l'endroit de l'ancien mur, on a installé un mur combinant des poteaux tubulaires et des palplanches. Puis, l'espace entre le mur combiné et le mur d'ancrage a été rempli. Via des ancrages, le mur combiné a été ancré au mur d'ancrage arrière pour être visuellement parachevé comme l'ancien mur de quai."


COUT: 350 MILLIONS D'EUROS

Les sept zones suivent chacune leur propre timing. “Comme je l'ai dit, nous avons commencé dans la zone Sint-Andries & Zuid avec la stabilisation et la construction supérieure", déclare Koen Segher. “Dans la zone Nieuw Zuid, nous sommes actuellement en train de réaliser la stabilisation. Il n'y a pas encore de plans pour la construction supérieure. La zone Blue Gate Antwerp suit un peu son propre parcours et a été dissociée du projet, car on va y créer une zone d'activité durable pour laquelle une structure de gestion distincte a déjà été mise en place. La réalisation de la zone Droogdokken vient juste de commencer et des études sont actuellement en cours pour les autres zones. En fait, nous avons commencé au nord et au sud, et nous progressons des deux côtés en direction du centre. Nous en avons donc encore pour un bout de temps et nous visons la fin du plan Sigma global en 2030. En effet, tant sur le plan budgétaire que sur le plan pratique, il est impossible de tout faire en même temps. Nous avons calculé un coût total de 350 millions d'euros, dont 250 millions d'euros pour la stabilisation et le mur de protection, donc en fait à charge de l'entreprise De Vlaamse Waterweg. L'aménagement du domaine public a été estimé à plus de 100 millions d'euros et est assumé par la Ville d'Anvers. Le volet le plus cher est celui de la stabilisation du mur de quai. C'est justement ce qui est invisible pour la population, mais cela revêt une importance fondamentale."

Photos © De Vlaamse Waterweg

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Écrit par Jan De Naeyer
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