RENOVATION ET STABILISATION DES QUAIS DE L'ESCAUT À ANVERS
"À l'issue de ces travaux drastiques, les quais seront repartis pour un siecle"

ORIGINES
Début 1800, Napoléon a fait des plans pour la construction des murs de quai. En effet, il voulait faire d'Anvers un point stratégique important pour son empire. Sous son régime, les activités portuaires ont été fortement développées. Ce n'est pas un hasard si le quai Bonaparte a été appelé comme ça. Mais à un moment, l'ère de Napoléon a pris fin et il a fallu attendre la fin du 19e siècle avant que ses projets de rectification des quais de l'Escaut soient ressortis de sous la poussière. Pour l'époque, la construction de ces murs de quai était un travail de titans.
En effet, d'une part, ils étaient construits dans l'Escaut et d'autre part, il fallait démolir une ancienne partie de la ville pour pouvoir les réaliser. Les ingénieurs de l'époque ont essayé d'empêcher que le mur de quai ne glisse vers la rivière en installant notamment des structures en béton devant les caissons, qui sont des fondations spéciales sur de l'acier. “Au fil des années qui ont suivi, cette structure s'est révélée insuffisante, d'où la nécessité de ces travaux. Ceci dit, il faut reconnaître que les murs de quai sont encore en relativement bon état, sachant qu'ils sont là depuis plus de cent ans. Les problèmes se situent surtout dans la couche de fondation, mais la majeure partie de la maçonnerie est encore en très bon état."
LE PLAN SIGMA COMME CATALYSEUR

DES ETUDES QUI MENENT A UN MASTERPLAN
La combinaison de ces facteurs a entraîné une intense collaboration entre De Vlaamse Waterweg nv et la Ville d'Anvers. “Nous nous sommes effectivement réunis en 2008 pour nous attaquer à ce travail de titans. Nous avons commencé par réaliser plusieurs études: une étude partielle technique, une étude de la stratification du sol derrière les murs de quai, une étude de mobilité, une étude historico-culturelle, étant donné la présence d'éléments du patrimoine le long de l'Escaut. Enfin, il y a bien sûr eu une étude financière. Toutes ces études réunies ont formé la base d'une description de mission pour un concours d'architecture.
Le résultat fut un masterplan pour les quais de l'Escaut qui a été approuvé par la Ville et les autorités flamandes. L'entreprise De Vlaamse Waterweg a été responsable de la stabilisation du mur de quai historique ainsi que du rehaussement du mur de protection. La Ville d'Anvers s'occupe du réaménagement du domaine public. Mais le projet est tellement intégré qu'il nécessite une très étroite collaboration, même dans la phase d'exécution."
SEPT ZONES AVEC CHACUNE SA PROPRE APPROCHE
Le masterplan approuvé indique de manière détaillée comment chacune des sept zones sera traitée. Ces zones sont les suivantes: Droogdokkeneiland, Rijnkaai, Loodswezen, Schipperskwartier & Centrum, Sint-Andries & Zuid, Nieuw Zuid et Blue Gate Antwerp. “Chaque zone s'est vu attribuer son propre avenir et offrira aux Anversois une expérience différente", déclare Koen Segher. “La première zone à laquelle nous nous sommes attaqués, est Sint-Andries & Zuid. Nous avons commencé par établir un croquis. Parallèlement, nous avons fait un plan détaillé pour la stabilisation des murs de quai. Comme le rehaussement du mur de protection et l'aménagement du domaine public sont imbriqués, nous avons travaillé en étroite collaboration avec la Ville.
Pour le nouvel aménagement, nous avons collaboré de façon intensive avec la population anversoise. En effet, la ville voulait rendre les quais aux Anversois. Via un site web, ceux-ci ont pu exprimer diverses remarques et suggestions, qui ont été transmises aux architectes. On a préservé au maximum le caractère maritime du mur de quai. Du côté des terres, on a opté pour une zone verte, avec un parc allongé le long de cette zone d'1,5 kilomètre où est intégré le mur de protection."
PAS DE PARKING DANS LA DIGUE

LE PROBLEME DE L'ARGILE DE BOOM
Le type de sol qui se situe en dessous et derrière, est important pour la stabilisation des murs de quai. “Au sud, il y a de l'argile de Boom quasiment jusqu'au niveau du sol", explique Koen Segher. “Au nord, cette argile est très profonde et recouverte d'une grosse quantité de sable anversois. Les différentes sortes de sol ont chacune une influence différente sur les murs de quai, si bien que ces murs doivent être stabilisés de différentes manières. La couche d'argile de Boom est solidement consolidée et commence à se dilater, lorsqu'elle est déchargée.
De plus, elle ne laisse absolument pas passer l'eau, si bien qu'on peut avoir derrière le mur de quai une grosse pression d'eau, lorsque l'Escaut est bas. Conséquence: le mode de stabilisation au sud ne sera pas du tout le même qu'au nord. Dans la zone Nieuw Zuid, nous avons même constaté que le mur de quai s'est déplacé de 20 centimètres et a partiellement basculé au fil du temps. Nous n'avons donc pas pu compter sur l'ancienne structure pour garantir la stabilité dans les cent années à venir. Dans cette zone, nous avons donc entièrement enlevé l'ancien mur de quai pour y installer un nouveau. Pour ce faire, nous avons recouru à des explosions, ce qui a donné des images spectaculaires reprises par les différents journaux."
PRESSION DE L'EAU NEUTRALISEE

Pendant la réalisation, nous avons constaté via un monitoring en temps réel que le mur de quai bougeait beaucoup trop. De plus, nous avons remarqué que même la partie de mur stabilisée bougeait encore. Dans ces conditions, cette technique était donc particulièrement difficile à contrôler. C'est pourquoi nous avons choisi de laisser simplement le mur de quai en place, en guise d'élément visuel, mais de ne plus compter sur sa propre structure. Nous avons installé vers l'intérieur des terres une nouvelle structure qui assure la fonction de mur de quai. Pour la zone Sint-Andries & Zuid, nous avons construit 12 mètres derrière la pierre bleue un mur de 30 mètres de profondeur sous le niveau du sol. Celui-ci a été ancré avec des tirants. L'espace entre l'ancien mur de quai et le mur profond a été creusé jusqu'à 0 mètre DNG, la laisse de basse mer moyenne à hauteur d'Anvers. Nous avons foré des trous à travers l'ancien mur de quai, si bien que lorsque les eaux de l'Escaut montent, elles peuvent s'insinuer dans le creux entre le mur de quai et le mur profond. Nous neutralisons ainsi la pression de l'eau sur l'ancien mur.
Devant le mur de quai sur le lit de la rivière, nous avons appliqué une protection de 30 mètres de large via une couche de moellons recouverts de tapis d'asphalte. Nous voulons ainsi garantir le niveau du fond devant le mur de quai pour les cent prochaines années. En effet, l'Escaut est également soumis à un phénomène d'érosion, essentiellement causé par les gros cargos."
PATRIMOINE
Un point important dans toute cette histoire est également la valeur de patrimoine des anciens murs de quai. “Pour nos collègues du Patrimoine Immobilier, il est par exemple très important de préserver la vue au maximum. Nous sommes donc obligés de maintenir la ligne du mur de quai et la pierre bleue dans le centre. Dans la zone Blue Gate, nous avons pu installer un nouveau mur de quai devant l'ancien. Plus on va vers le nord, plus le mur de quai est en bon état, ce qui simplifie la rénovation. Là, celle-ci peut continuer à jouer son rôle visuellement, surtout tant que nous pouvons effectuer des travaux de stabilisation dans l'arrière-pays."
NIEUW ZUID: UNE TOUTE NOUVELLE STRUCTURE

COUT: 350 MILLIONS D'EUROS
Les sept zones suivent chacune leur propre timing. “Comme je l'ai dit, nous avons commencé dans la zone Sint-Andries & Zuid avec la stabilisation et la construction supérieure", déclare Koen Segher. “Dans la zone Nieuw Zuid, nous sommes actuellement en train de réaliser la stabilisation. Il n'y a pas encore de plans pour la construction supérieure. La zone Blue Gate Antwerp suit un peu son propre parcours et a été dissociée du projet, car on va y créer une zone d'activité durable pour laquelle une structure de gestion distincte a déjà été mise en place. La réalisation de la zone Droogdokken vient juste de commencer et des études sont actuellement en cours pour les autres zones. En fait, nous avons commencé au nord et au sud, et nous progressons des deux côtés en direction du centre. Nous en avons donc encore pour un bout de temps et nous visons la fin du plan Sigma global en 2030. En effet, tant sur le plan budgétaire que sur le plan pratique, il est impossible de tout faire en même temps. Nous avons calculé un coût total de 350 millions d'euros, dont 250 millions d'euros pour la stabilisation et le mur de protection, donc en fait à charge de l'entreprise De Vlaamse Waterweg. L'aménagement du domaine public a été estimé à plus de 100 millions d'euros et est assumé par la Ville d'Anvers. Le volet le plus cher est celui de la stabilisation du mur de quai. C'est justement ce qui est invisible pour la population, mais cela revêt une importance fondamentale."
Photos © De Vlaamse Waterweg